16 avril 2009

 

Analyse et perspective

Une stratŽgie pour lĠindŽpendance en temps de crise

 

Soyons dĠabord clair au sujet du PQ, parti de centre-droit.  Peut-on qualifier autrement que de nŽolibŽral, malgrŽ sa phrasŽologie parfois social-dŽmocrate, un parti qui a ŽtŽ le roi des coupures et des privatisations ˆ la fin des annŽes 90 aprs avoir ŽcrasŽ les syndicats du secteur public en 1982 avec sa coupure salariale de 20% ?  Rien dĠŽtonnant : historiquement, le PQ, dans le cadre de l'alliance du beau risque avec le gouvernement Mulroney, a ŽtŽ un enthousiaste de la promotion de l'Accord de libre-Žchange avec les ƒU, accord qui servira de matrice ˆ tous les autres qui vont suivre dans le monde.  La seule diffŽrence avec le PLQ est un interventionnisme Žtatique plus prononcŽ pour rendre les entreprises quŽbŽcoises plus compŽtitives sur le marchŽ mondial. 

 

Lors de la dernire Žlection, la plate-forme du PQ Žtait foncirement libre-Žchangiste comme le soulignent les passages suivants : 

Ç Tous ces gestes [du PLQ] ont eu des effets nŽgatifs sur la productivitŽ de nos entreprises. Ils les ont fragilisŽes et privŽes dĠatouts pour faire face aussi bien ˆ la crise actuelle quĠˆ la concurrence sur les marchŽs Žtrangers. È [É]

Ç 1.2. Soutenir les entreprises

á        ƒliminer, avant 2010, la taxe sur le capital.

á        Baisser le taux marginal effectif dĠimposition des entreprises.

á        Adopter des mesures fiscales qui visent ˆ encourager lĠinvestissement privŽ, notamment lĠinvestissement dans les Žquipements.

á        Simplifier la rŽglementation et les procŽdures administratives touchant les entreprises.

á        Appuyer le dŽveloppement de lĠentrepreneurship. È

 

Peut-on qualifier autrement le PQ que dĠautonomiste, malgrŽ son discours Ç souverainiste È (pourquoi marginaliser le mot indŽpendance ?), le parti de la Ç souverainetŽ-association È, puis de Ç lĠaffirmationnisme È, puis du Ç beau risque È avec les Conservateurs, ensuite de lĠalliance avec les LibŽraux quŽbŽcois au lendemain de la crise du Lac Meech, ensuite de la Ç souverainetŽ-partenariat È avec lĠADQ lors du rŽfŽrendum de 1995, puis des Ç conditions gagnantes È alors quĠil sĠacharnait ˆ fabriquer des conditions perdantes avec sa politique sociale droitire, finalement de plus rien du tout avec lĠabandon de la stratŽgie rŽfŽrendaire sans rien lui substituer.

 

MalgrŽ tout, au conseil national de fŽvrier, la chef du PQ a dŽclarŽ que la crise est le meilleur moment pour rŽaliser la souverainetŽ de sorte ˆ donner au peuple quŽbŽcois les moyens quĠOttawa lui refuse pour sauver ses industries forestire et manufacturire ˆ la hauteur de lĠaide milliardaire quĠil consent pour lĠindustrie de lĠautomobile ontarienne ou mme du favoritisme environnemental aux trs polluants sables bitumineux de lĠAlberta (Le Devoir, 23 fŽvrier 2009 et Radio-Canada, 22 fŽvrier 2009). 

 

Ajoutons-y la baisse drastique de prs de un milliard $ en paiements de pŽrŽquation du dernier budget fŽdŽral que le piteux PLQ a niŽ contre toute vraisemblance lors de la dernire campagne Žlectorale de lĠautomne 2008 pour ne pas avantager la cause souverainiste.  Tout comme les LibŽraux avaient remportŽ les Žlections sur la base de contrevŽritŽs, ils ont imposŽ un budget mensonger pour lequel les directions syndicales lĠont louangŽ et contre lequel le PQ nĠa opposŽ aucune alternative. 

 

Bien sžr, ce ixime coup de gueule pro-souverainiste para”t bien peu crŽdible face ˆ lĠabandon par le PQ de toute stratŽgie dĠaccession ˆ lĠindŽpendance sauf ˆ promettre un troisime rŽfŽrendum pour les Calendes grecques.  Ce manque de crŽdibilitŽ est dĠautant plus grand que la thŽmatique souverainiste nĠavait pas ŽtŽ au cÏur de la campagne Žlectorale pŽquiste de par la volontŽ de la nouvelle chef, rŽputŽe pour sa tiŽdeur souverainiste tout autant que de son pragmatisme nŽolibŽral, et, comme on a pu le constater depuis son Žlection ˆ la tte du PQ, dŽcidŽe ˆ exercer une poigne de fer sur lĠaile indŽpendantiste radicale de son parti. 

 

Reste que lier souverainetŽ et crise vise en plein dans le mil ˆ moins de penser que la lutte pour lĠindŽpendance nĠest pas un axe stratŽgique pour la libŽration nationale et sociale du QuŽbec mais un simple rajout culturel et linguistique.  Il sĠagit pour QuŽbec solidaire de donner raison au diagnostic de la chef pŽquiste tout en lui donnant tort sur la mŽthode et sur le but.  Il est futile dĠen appeler ˆ une crŽation massive dĠemplois bien rŽmunŽrŽs et stables par la transformation Žcologique des infrastructures et par la distribution Žgalitaire des revenus sans au dŽpart un contr™le dŽmocratique des flux dĠŽpargne et dĠinvestissement.  La crise globale du capitalisme, tant Žconomique et financire quĠŽcologique, alimentaire et ŽnergŽtique, pose drastiquement la question de qui va payer la crise. 

 

Le peuple travailleur va-t-il payer pour sauver les banques, comme cĠest maintenant le cas, ou les banques vont-ellesÉ passer ˆ la caisse ?  Telle est le dŽfi de QuŽbec solidaire dans la trs turbulente pŽriode qui ne fait que commencer.  La premire t‰che de tout plan de gauche contre la crise est donc la nationalisation sans compensation des institutions financires pour en faire un service public essentiel contr™lŽ dŽmocratiquement comme le sont partiellement les garderies populaires du QuŽbec.  LĠexpropriation des institutions financires, cĠest la clef de vožte de tout lĠŽdifice de reconstruction Žcologique et Žgalitaire de la sociŽtŽ. 

 

On objectera que le QuŽbec nĠest quĠune province canadienne sans pouvoir significatif sur le capital financier.  Il y a maintenant plus dĠune gŽnŽration que le peuple quŽbŽcois a trouvŽ la rŽponse programmatique — lĠindŽpendance — pour se sortir de ce cul-de-sac.  Sans lĠindŽpendance, le peuple quŽbŽcois reste coincŽ dans un goulot dĠŽtranglement bloquant toute solution de gauche ˆ toute crise socio-Žconomique et politique de la sociŽtŽ quŽbŽcoise.   

 

Un parti de gauche saisit le maillon faible de la ConfŽdŽration canadienne, la question nationale quŽbŽcoise.  Il comprend lĠhistoire du peuple quŽbŽcois faite de conqute, de rŽbellion ŽcrasŽe dans le sang, de constitution imposŽe, de conscription forcŽe, dĠoccupation armŽe, de rejet de lĠautodŽtermination rŽfŽrendaire et du mŽpris des commandites.  Il rŽalise que bon an mal an la volontŽ souverainiste, malgrŽ le l‰chage pŽquiste, oscille entre 40 et 50%. 

 

Se rendant compte de son potentiel dĠŽnergie libŽratrice, ce parti lvera sans hŽsiter, sans tergiverser, lĠŽtendard de lĠindŽpendance nationale.  Point question pour ce parti de parler de souverainetŽ au lieu dĠindŽpendanceÉ afin de choisir, ˆ la mode PQ, le Canada comme associŽ ou partenaire ou Ç beau risque ÈÉ sĠil est consentant.  Point question de noyer lĠindŽpendance dans la formule vide de la Ç souverainetŽ populaire È ou de la Ç souverainetŽ solidaire È qui est ˆ la lutte nationale ce que le Ç dŽveloppement durable È est ˆ la lutte Žcologique.

 

Un parti anticapitaliste ira chercher lĠŽnergie libŽratrice enfouie dans lĠhistoire dĠoppression plus que bi-sŽculaire de la nation quŽbŽcoise.  Il la fusionnera, sans lĠinstrumentaliser, avec la haine des banques et du patronat que le dŽploiement de la crise ne manquera pas de susciter.  La crise permet de donner ˆ la revendication de lĠindŽpendance sa pleine signification de gauche, non seulement vis-ˆ-vis Ottawa, sige du pouvoir politique fŽdŽrale, mais aussi vis-ˆ-vis de Bay Street, sige du capital financier canadien et de Wall Street, sige du capital financier Žtasunien. 

 

Ce renouvellement de gauche de lĠindŽpendantisme est dĠautant plus nŽcessaire que lĠaxe pŽtrolier Toronto-Calgary, avec son emphase sur la rente, essaie de se substituer ˆ lĠaxe moribond Ç Canada central È Toronto-MontrŽal dont la dominante Žtait le profit manufacturier.  Non seulement lĠindŽpendantisme en devient-il plus pertinent Žconomiquement mais aussi socialement car la rente a toujours ŽtŽ la base matŽrielle du capitalisme le plus rŽactionnaire, particulirement envers les femmes, les gays/lesbiennes, les minoritŽs de couleur et les autochtones, ce que les politiques du parti Conservateur ont amplement dŽmontrŽ.

 

SĠemparer des institutions financires, Žpine dorsale de la bourgeoisie canadienne dont la carence manufacturire est lŽgendaire, nŽcessite que la nation quŽbŽcoise en ait le pouvoir constitutionnel, ce qui requiert lĠindŽpendance.  Ainsi il deviendra possible de mettre sur pied la Banque populaire du QuŽbec. 

 

Pour ce faire, il ne faut pas reporter la lutte pour lĠindŽpendance ˆ un horizon mythique dĠAssemblŽe constituante cum rŽfŽrendum aprs la prise du pouvoir par les Žlections.  Le processus de mobilisation pourrait commencer ds maintenant en sĠappuyant sur un prŽcŽdent historique qui a laissŽ sa marque, soit les Ç ƒtats gŽnŽraux du Canada franais È de novembre 1967 qui se conclurent par Ç Éune orientation vers lĠindŽpendance du QuŽbec. È (J. Lacoursire, J.Provencher et D. Vaugeois, Canada-QuŽbec, synthse historique, 1978). 

 

Pour enclencher une ardeur populaire qui nĠŽtait pas au rendez-vous aprs lĠŽlection de 1994 qui lui avait donnŽ le pouvoir avec seulement 15 000 votes de plus que les LibŽraux, le PQ imita p‰lement les ƒtats gŽnŽraux par une consultation populaire qui vit Ç [e]ntre le 6 fŽvrier et le 5 mars [1995], les 17 commissions consultatives mobilis[er] 280 commissaires qui tinrent 435 rencontres o se prŽsentrent 50 164 personnes. È  Ç Les travaux des commissions firent appara”tre de faon rŽcurrente la nŽcessitŽ de lier la souverainetŽ ˆ un projet de sociŽtŽ. È et par le fait mme Ç permi[rent] ˆ l'option souverainiste d'amorcer une remontŽe dans les sondages. È (Denis Monire, La dŽmarche rŽfŽrendaire á Le QuŽbec face ˆ son destin, 1995, UniversitŽ de MontrŽal)

 

Un tel mot dĠordre serait dĠautant plus le bienvenu que beaucoup de militants syndicaux, conscients de lĠenlisement du mouvement syndical depuis la capitulation sans combat de dŽcembre 2005, souvent membres du SPQ-libre par attachement ˆ la lutte pour lĠindŽpendance et dŽus des hŽsitations de QuŽbec solidaire sur cette question, souhaitent ardemment la tenue dĠŽtats gŽnŽraux du mouvement syndical.  Faute dĠinitiative des directions syndicales, ˆ QuŽbec solidaire de prendre le relais.


 

LĠindŽpendance du QuŽbec est une urgence non seulement politique et nationale mais aussi Žconomique, financire, Žcologique et sociale.  Elle est la revendication-clef pour libŽrer lĠŽnergie crŽatrice du peuple quŽbŽcois afin de contribuer ˆ initier dans la rue une vague de libŽration nationale et sociale.  Cette mobilisation devrait tre la base dĠŽtats gŽnŽraux des mouvements populaires pour un QuŽbec indŽpendant et Žcologique afin de prŽparer la prise du pouvoir par la rue et les urnes. 

 

1.    LĠindŽpendance du QuŽbec est une urgence non seulement nationale mais aussi Žconomique, Žcologique et sociale.  Elle est la revendication-clef pour libŽrer lĠŽnergie crŽatrice du peuple quŽbŽcois.  Il faut mettre en branle sans plus attendre une campagne politique pour convoquer des ƒtats gŽnŽraux des mouvements populaires pour un QuŽbec indŽpendant et Žcologique sur la base du plein emploi.

2.    LĠindŽpendance permettra la mise sur pied de la Banque du QuŽbec et lĠinstauration dĠune monnaie quŽbŽcoise afin dĠencadrer lĠexpropriation des institutions financires, de mettre en place la nouvelle structure de finance populaire et dĠimplanter un rŽgime dĠinvestissements anti-crise et Žcologique et une structure de prix favorisant la conservation ŽnergŽtique, le transport public, lĠagriculture biologique et la rŽduction du temps de travail.

 

 

 

 

Ce texte est ˆ la fois un texte dĠanalyse et un texte de perspective se conformant aux normes des Ç cercles citoyens È de la dŽmarche programmatique de QuŽbec solidaire.

 

JĠinvite tous les membres de QuŽbec solidaire et les non membres ˆ lĠappuyer. 

 

NĠhŽsitez pas ˆ me contacter pour en discuter, proposer une rencontre ou pour appuyer ce texte.

 

Marc Bonhomme

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