19 fŽvrier 2009

 

Selon The Economist

La crise actuelle est bien pire que celles japonaise et suŽdoise des annŽes 1990

 

[Cet article compte lĠargumentaire du paragraphe Ç Sauver les banques nĠest pas une affaire rentable pour lĠƒtat È de mon essai Ç La crise globale du capitalisme Le nŽo-keynŽsianisme, de droite ou de gauche, fait payer le prolŽtariat ; LĠanticapitalisme fait payer le capital financier È]

 

LĠŽdition de ÒThe EconomistÓ du 14 fŽvrier 2009 contient un article (Worse than Japan?) expliquant que lĠactuelle crise Žconomico-financire ne peut se comparer ni ˆ celle du Japon des annŽes 90 ni ˆ celles des pays nordiques au dŽbut des annŽes 90.  LĠarticle argumente les points suivants :

 

á       La hausse des prix de lĠimmobilier, surtout rŽsidentiel, avant la crise a ŽtŽ plus important aux ƒU et en Grande-Bretagne quĠau Japon (une augmentation du prix des maisons respectivement de 80% et 120% versus 40%).

 

á       LĠexplosion du crŽdit aux ƒU est sans parallle : la dette privŽe a grimpŽ de 22 billions $ en 2000 (222% du PIB) ˆ 41 billions $ en 2007 (294% du PIB).  [JĠajouterais quĠen 1980, elle Žtait de 140% du PIB.]

 

á       Les prts non-performants ont atteint en Sude, ˆ leur sommet, 13% du PIB et 35% au Japon.  Selon une Žvaluation de Goldman Sachs ils Žtaient rendus rŽcemment aux ƒU ˆ 5.7 billions $ soit 40% du PIBÉ et ce nĠest pas fini.

 

á       La crise suŽdoise avait ŽtŽ envenimŽe par une brusque dŽprŽciation de sa monnaie : les banques suŽdoises avaient beaucoup empruntŽ en monnaie Žtrangre.  En contrepartie, cette dŽprŽciation favorisa une importante hausse des exportations dans une Žconomie mondiale en reprise.  On peut faire le mme argument ˆ propos de la sortie de crise est-asiatique ˆ la fin des annŽes 90.

 

á       Le yen japonais, par contre, ne sĠest pas dŽprŽciŽ durant la crise japonaise Žtant donnŽ le surplus structurel du compte courant [et le spŽculatif Ç carry trade È fait dĠemprunts en yen ˆ bas taux dĠintŽrt ensuite revendus sur le marchŽ des changes contre des monnaies permettant des placements ˆ court terme ˆ plus haut taux dĠintŽrt]. 

o      De mme, le dollar Žtasunien ne se dŽprŽcie pas ou peu par rapport aux autres monnaies fortes (et sĠapprŽcie gŽnŽralement par rapport aux autres monnaies) malgrŽ un fort dŽficit structurel de son compte courant qui ne se dŽment pas ou peu.  [Cette contradiction sĠexplique par le r™le de monnaie mondiale du dollar qui dans un contexte de crise mondiale devient un lieu de refuge de capitaux en dŽroute, avec le yen et lĠeuroÉ et lĠor.] 

o      Comme ce dŽficit est financŽ en grande partie par lĠendettement Žtranger, il limite lĠendettement de lĠŽconomie Žtasunienne, donc en ce moment du gouvernement des ƒU, pour Žviter un effondrement du dollar.

 

á       LĠŽconomie japonaise, malgrŽ le maintien de la valeur du yen, a bŽnŽficiŽ finalement de lĠessor de lĠŽconomie mondiale, particulirement de celui de la Chine, pour attŽnuer par la hausse des exportations les effets de sa crise et quelque peu sĠen sortirÉ avant dĠy retomber.  Comme aujourdĠhui la crise est mondiale, cette voie est fermŽe. 

 

á       Les Ç mauvaises banques È suŽdoises tant louangŽes avaient affaire ˆ des mauvaises crŽances traditionnelles soutenues par de claires garanties, et non ˆ des Ç produits toxiques È dŽcouplŽs de leurs ambigus collatŽraux.  Mme leurs succs furent inhabituels selon une Žvaluation du FMI qui a analysŽ 124 crises bancaires dans le monde depuis 1970.

 

á       La crise financire actuelle est double, contrairement ˆ celles du passŽ.  Ë la crise du systme bancaire proprement dit, sĠajoute celle du Ç systme bancaire parallle È faite de banques dĠinvestissement et de fonds de placements privŽs, lequel sĠest ˆ peu prs compltement ŽcroulŽ.

 

á       LĠactuelle crise de lĠendettement est avant tout celle des mŽnages contrairement ˆ celle du Japon o elle concernait les entreprises. 

o      Si cette caractŽristique explique la lenteur du gouvernement japonais ˆ imposer une restructuration bancaire, pour ne pas forcer les banques ˆ acculer ˆ la banqueroute les entreprises autrement insolvables, la croissance subsŽquente de lĠendettement des mŽnages et du gouvernement, plus la croissance des exportations nettes, ont pu compenser le Ç credit crunch È et la baisse des investissements. 

o      Par contre, il est difficile de voir pourquoi les entreprises Žtasuniennes et britanniques se mettraient ˆ sĠendetter pour un marchŽ intŽrieur atrophiŽ par lĠendettement des mŽnages ou un marchŽ extŽrieur en crise.  Quant au gouvernement Žtasunien, contrairement au gouvernement japonais, il connaissait au dŽpart un important dŽficit structurel comblŽ par un endettement en grande partie Žtranger, alors que lĠendettement du gouvernement japonais a ŽtŽ financŽ par des sources domestiques.

 

Bien sžr, The Economist ne conclue pas : le point de comparaison devient la crise-dŽpression des annŽes 30.  Les Ç pundits È tentent de se faire rassurant en faisant remarquer que la dŽgringolade nĠest pas la mme.  Reste que a dŽgringole pas mal beaucoup, Canada compris, depuis quelques mois.  En termes annuels et rŽels, selon lĠŽdition du 19 fŽvrier de The Economist, le PIB du dernier trimestre de 2008 a chutŽ de 3.8% aux ƒU, de 12.7% au Japon, de 5.9% en Grande-Bretagne, de 5.7% dans la zone euro, de 20.8% en CorŽe du Sud.  (La statistique canadienne nĠest pas encore connue mais les chutes mensuelles non annualisŽes ont ŽtŽ respectivement, dĠaožt ˆ novembre de 0.5%, 0.0%, 0.1% et 0.7%.) 

 

Ce rythme est celui de la crise 1929-1932 aux ƒU et au Canada mme si lĠinterventionnisme massif des ƒtats pour sauver les banques, et les stabilisateurs automatiques non existants en 1929 que le nŽolibŽralisme est loin dĠavoir dŽmantibulŽs, avaient jusquĠici freiner la descente aux enfers.  Il faut bien se mettre dans la tte que lĠorgie financire du nŽolibŽralisme va se payer trs cher si on laisse sa solution au capitalisme, nŽolibŽral, nŽo-keynŽsien, Ç vert È ou quoique ce soit.  Il faudra y mettre du zeste prolŽtarien pour ruiner les banques et sauver le peuple. 

 

Marc Bonhomme, 19 fŽvrier 2009